lundi 28 avril 2008

Une situation dénoncée il y a bientôt 5 ans

Il y a 5 ans, en 2003, les étudiant-e-s du Cégep de Jonquière, qui produisait le Journal La pige, avait révélé au public les agissements de 2 policiers de la SQ, Richard Jean et Pierre Rousseau, particulièrement leurs méthodes très abusives de recherche "d'anarchistes". Voici un extrait du texte que Mélodie Tremblay avait alors publié sur le CMAQ.

Lu sur le CMAQ : "Selon une enquête de La Pige, deux agents de la Sûreté du Québec infiltreraient et harcèleraient des groupes syndicaux et populaires de la région, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001.

« La première fois qu’il m’a téléphoné, c’était au syndicat, au mois de mars dernier. Il voulait connaître le nombre de professeurs qui allaient manifester à Québec », de se rappeler Pierre Demers, membre de l’exécutif du Syndicat du personnel enseignant du cégep de Jonquière (SPECJ). «L’agent Richard Jean, continue le rédacteur du journal syndical, a dit qu’il voulait connaître les allées et venues des manifestants pour les superviser ». L’agent enquêteur s’est alors comparé, rapporte le syndicaliste, à un météorologue qui mesure la température des groupes communautaires et des syndicats.

Chaque fois qu’il téléphone au local du syndicat, M. Jean affiche clairement sa volonté de connaître de long en large l’agenda militant des professeurs. « Nous ne sommes pas un groupe clandestin. Quand nous faisons des actions, nous les affichons » raconte le responsable du journal du SPECJ. « En plus, ça frôle l’état policier! », poursuit M. Demers. Par exemple, durant la campagne électorale, M. Demers a organisé une manifestation spontanée, le 25 mars, devant les bureaux de la candidate péquiste, Myrtha Laflamme, qui recevait, ce soir-là, le Premier ministre Bernard Landry. « Richard Jean était, lui aussi, sur place », se souvient M Demers. « Il m’a presque engueulé parce que je ne l’avais pas invité à notre manifestation. Il était frustré, car il a perdu sa crédibilité auprès des gardes du corps du PQ » conte M. Demers.

« L’agent enquêteur Richard Jean me talonne, confie le militant, de questions concernant les manifestations présentes et futures ». Les questions habituelles tournent autour des manifestants : Qui sera présent lors de ces événements? Combien de personnes vont participer à la manifestation? Où va se dérouler l’action? « M. Jean rentre dans nos vies, dans notre intimité! » condamne le syndicaliste. Homme très bavard, l’agent enquêteur Richard Jean a même invité, à maintes et maintes reprises, Pierre Demers à dîner, mais surtout pour construire des liens plus étroits. « Je lui ai dit que je ne dîne pas…j’ai perdu l’appétit…Depuis, je dîne en cachette!!! »

Pacifistes sous surveillance

Le SPECJ n’est pas la seule organisation à faire les frais des pressions d’un des deux agents enquêteurs de la région. Éric Dubois, employé de LASTUSE (Lieu d’action et de service travaillant dans l’unité avec les sans-emplois), a eu, plus souvent qu’à son tour, des appels de Richard Jean. « C’est depuis l’organisation de la Caravane sur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), en octobre 2001, qu’il cherche à prendre contact avec moi ». Cette caravane n’avait rien de bien menaçant : « des activités gentilles, des ateliers, des conférences…c’était un peu jojo, quoi! ». La raison énoncée par l’agent enquêteur pour s’approcher de la caravane : la menace anarchiste! « Je me souviens, confie M. Dubois, Richard Jean m’avait dit qu’il était là pour assurer notre sécurité contre les méchants anarchistes. Il nous disait, qu’en tant que groupe communautaire, nous devrions faire attention ». Surpris, l’organisateur communautaire a voulu connaître de quel ordre était cette menace. « Qu’est-ce qu’un anarchiste, lui ai–je demandé? » La réponse ne fut pas longue à arriver : « Des gens qui se promènent avec des drapeaux noirs et qui font de la casse ».

L’activiste, qui a aussi participé à plusieurs manifestations de désobéissance civile, affirme avoir connu d’autres expériences avec des agents enquêteurs, mais que « depuis le 11 septembre, c’est vraiment intensif ». Pour lui, il est certain qu’il y a un lien à faire entre le 11 septembre et la suspicion qui règne au gouvernement entourant les groupes populaires de contestation. « Le fait de faire un lien entre le terrorisme et nous est très frustrant. Nos actions sont très citoyennes et sont faites, déclare Éric Dubois, dans le cadre de la démocratie (…)C’est dangereux qu’on donne des sous pour la répression des mouvements de citoyens, comme si on était dangereux! ». M. Dubois, qui participe également au collectif Les Bleuets pour la paix, voit M. Jean partout. « Il vient à toutes nos marches ». Le pire, pour Éric Dubois, c’est que l’agent enquêteur le surveille. « Souvent, quand je sors du bureau, il est là. Je le croise souvent », précise le militant anti-mondialisation.

Et les organismes de coopération internationale

«J’imagine que j’étais sur une liste… » pense Véronique Frigon, agente au volet éducation et sensibilisation jeunesse du Centre de solidarité internationale du Saguenay-Lac-St-Jean (CSI), quand elle raconte comment l’agent enquêteur a pris contact avec elle. « Il m’a téléphoné directement, au CSI. Il m’a parlé personnellement. Celui-ci voulait tout savoir du Centre de solidarité internationale : son organisation, son plan d’action, ses membres », mentionne la déléguée du CSI au Forum social de Porto Alegre. Encore une fois, le prétexte invoqué pour légitimer cette demande : assurer la sécurité publique.

Ce qui offusque le plus Véronique Frigon, dans toute cette histoire, est que cet homme demande vigoureusement à garder confidentielle leur relation. « Le CSI est un organisme transparent. Nous œuvrons à l’international ce qui nous oblige à rendre des comptes publiquement. Ce qui me choque, c’est que Richard Jean insiste beaucoup sur le fait que c’est important de garder secret le fait qu’il vienne nous voir…parce qu’il est policier et que notre relation, avec lui, pourrait nous nuire ». Martine Bourgeois, directrice du CSI, ajoute : « Les gens sont mal à l’aise. Ils ne sont pas habitués à cette façon de faire. M. Jean insiste beaucoup sur la confidentialité, sur le caractère secret des relations. Il crée ainsi un climat de suspicion… L’enquêteur devrait le savoir : tout le monde se connaît, dans le communautaire, au Saguenay. Tout le monde se parle dans la région. Rien n’est caché ».

Assurer la sécurité en prévenant…

Interrogée sur les agents Richard Jean et Pierre Rousseau, la responsable des relations publiques de la Sûreté du Québec (SQ) déclare : « les agents enquêteurs font un travail particulier, explique Hélène Neptune. Ils enquêtent sur des gens qui ne sont pas accusés de poser des gestes illégaux et ce, à titre préventif. « Si le premier ministre reçoit une lettre de menace de quelqu’un de la région, il faut savoir qui est susceptible de faire une telle chose, continue l’agente aux affaires publiques. Il faut être en mesure de savoir où regarder et connaître les menaces potentielles. » C’est pourquoi il est important, pour la SQ, d’avoir une personne de référence, dans chacun des organismes, pour les renseigner, au besoin. Le caractère confidentiel, confirme Mme Nepton, est très présent dans les interventions des deux agents enquêteurs. « À titre préventif, ce qu’ils font n’est jamais public. Ainsi, on s’assure que les personnes-ressources et leurs organismes ne soient pas catalogués comme des criminels. »"

- Mélodie Tremblay, kretik@lavache.com
+ Voir aussi L'aut'journal qui avait publié un autre texte sur le sujet

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