Comme il a été mentionné plus bas, dans deux jours, le 8 mars, ce sera la Journée Internationale des Femmes. J'en profite pour vous faire part, sans faute je l'espère, d'un excellent article de Marilyn Ouellet qui a paru récemment dans le journal de l'UQAC, "Le Griffonnier" (#46).
- ajout post-scriptum: un tour du monde en actions du 8 mars 2008 est maintenant disponible grâce au site "Solidarité ouvrière"
"L'armée canadienne en Afghanistan suscite plus que jamais des débats au sein de la société québécoise, ne serait-ce qu'à propos de la légitimité de leur présence en ces terres occupées depuis plus de trente ans. Il est proposé ici de voir l'Institution de l'armée sous un autre angle: celui des conjointes des militaires. Voici donc une incursion dans la vie de milliers de femmes pour qui la liberté et l'épanouissement sont sérieusement mis en danger.
Nous sommes en mesure de nous demander quels impacts les opérations militaires canadiennes ont sur la vie privée des épouses des soldats, comme un manque de ressources financières, le sacrifice d'une vie privée, une existence solitaire. Nous reprendrons ici la thèse tirée du documentaire "Les épouses de l'armée" de Claire Corriveau: elles sont les "premières victimes collatérales d'une armée qui, sans leurs sacrifices et leur travail dans l'ombre, ne pourrait pas mener à bien ses opérations. Une efficacité qu'elles paient très chèrement".
En s'enrôlant dans l'armée, la plupart des soldats s'attendent à y retrouver une belle fraternité. Mais le but premier de cette institution reste la possibilité du combat et c'est pourquoi les soldats sont formés en conséquence. Dès le début de la formation, la conformité est attendue d'eux: nous leur coupons les cheveux, leur donnons un uniforme et les faisons marcher au même pas. Ensuite vient l'entraînement rigoureux durant quelques mois, où ils seront isolés du civil. La possibilité de contrôle prend ici toute son importance, car les soldats et les épouses deviennent complètement dépendants de la vie que leur offre les Forces canadiennes. Elles leur fournissent les soins médicaux (ils n'ont plus droit à l'assurance-maladie du Québec), les spécialistes nécessaires et peuvent ainsi exercer un contrôle sur eux. Mais paradoxalement, les soldats doivent toujours donner l'impression qu'ils ont eux-mêmes le contrôle sur leur vie, sur la situation et surtout, sur l'ennemi.
Il est indispensable d'établir les conditions dans lesquelles le soldat évolue, car celà permet de mieux cibler l'ambiance qui peut régner dans sa vie privée. Dans le cercle familial, les femmes sont rarement gradées selon le site de la Défense canadienne. Elles se voient encourager à s'occuper de leur famille par des discours informels, par des rencontres aux centres de la famille et elles se font proposer du bénévolat à l'intérieur de la structure de l'armée et inciter à prendre en main les tâches domestiques. L'armée s'efforce de maintenir cette division sexuelle du travail afin de s'assurer de l'entìère disponibilité des soldats qui doivent faire face à de nombreux déplacements. La planification se fait donc à partir de ces éventuels déménagements et la vie familiale est orientée uniquement par le travail de l'homme. Il devient évident qu'avec le contrôle qu'exerce l'institution militaire sur les soldats, la femme a très peu de liberté individuelle.
C'est d'ailleurs lorsque le conjoint doit s'absenter durant des mois que la femme doit encore faire plus de sacrifices, pour des raisons de logistique, comme la préparation du déménagement ou encore la réinscription des enfants à l'école. Il serait extrêmement difficile pour elle d'avoir une profession, ou encore de mener à terme divers projets qui l'animent. En plus de ne pas avoir le temps de travailler, les déménagements répétitifs découragent beaucoup d'entre elles à se trouver un emploi. Lorsqu'elles y parviennent, elles y restent trop peu longtemps donc elles ne réussissent pas à verser assez d'argent pour le régime de retraite, ni à amasser des avantages sociaux, tels que le chômage ou un salaire convenable. Qui plus est, elles devront de tout manière abandonner leur travail à la prochaine affectation de leur conjoint. Il s'avère que "leur contribution au marché du travail est beaucoup plus faible que celle des épouses civiles", a constaté la sociologue Deborah Harrison dans un article paru en 1992 dans la revue Recherches féministes.
En fait, toujours selon Mme Harrrison, 53% des épouses de militaires canadiens n'occupent aucun emploi à l'extérieur de la maison, ce qui n'est le cas que pour 23% des canadiennes en général. Elles occupent principalement des emplois à faible revenu et à temps partiel. Leur dépendance économique crée non seulement un sentiment d'infériorité, mais fait en sorte que peu d'entre elles prendront le risque de divorcer, car elles ont beaucoup trop à perdre, particulièrement parce qu'il est peu probable qu'elles aient conservé leurs compétences professionnelles ou acquis leur propre capital. L'armée prend pour acquis ces sacrifices de l'épouse et jamais elle n'est traitée comme ayant travaillé pour eux, mais plutôt comme ayant simplement fait son devoir d'épouse.
Mais si, malgré tout, la femme décide d'aller sur le marché du travail, elle devra subir une double contrainte: celle du travail et celle de la production domestique, car les tâches ne seront généralement pas plus divisées. D'après la sociologue féministe Anne-Marie Devreux, le service militaire reproduit la division sexuelle du travail et "montre qu'il s'agit d'un apprentissage non seulement du maniement des armes et du pouvoir symbolique du rapport de force matériel, mais aussi, et peut-être surtout, du maniement des rapports hiérarchiques et d'oppression en matière de tâches reproductives". Ce sont les femmes, mères ou "amies" qui, "naturellement", reprennent à leur charge cette fonction pour laquelle elles semblent être si naturellement faites. Ainsi, non seulement la force de travail des femmes ne leur est pas reconnue financièrement, mais les femmes servent en définitive de garantie à ce que le soldat soit toujours prêt au combat."
- Marilyn Ouellet
1 commentaire:
Salut!
En réponse à ton commentaire sur mon blogue:
Je suis partant, comme je le disais à Alexis. Mais je n’écris pas beaucoup sur la région 02. J’habite présentement dans les laurentides (oui, comme bien des jeunes gens, j’ai quitté le saguenay…) et je suis pas mal loin des nouvelles du coin.
P.S: je t'ajoute à ma blogoliste
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